Le plus beau jour de ma vie, la naissance de mon petit frère.

Papa et maman m’ont expliqué que plus tard il serait mon meilleur ami et qu’on jouerait tous les deux. J’avais un peu plus de deux ans lorsque je l’ai pris dans mes bras ; il m’a souri.

J’ai vite compris qu’il faudrait attendre pour jouer avec lui. Mais ce que personne ne savait encore, c’est qu’il n’était pas comme les autres… Maman m’a expliqué que « comme les autres » ne veut rien dire car chacun est différent.

Jusqu’à ses deux ans, il n’arrêtait pas de m’embêter et de me prendre mes jouets. Mais les petits frères c’est comme ça. Et puis un jour… Maman est venue me chercher à la garderie. J’ai bien vu qu’il y avait un problème. Elle n’était pas comme d’habitude. Elle m’a expliqué dans la voiture qu’elle devait emmener mon frère à l’hôpital et que j’allais rester sagement chez tata en attendant papa.

Moi, j’avais le bras dans le plâtre, alors, l’hôpital je connais. J’ai dit à mon petit frère de ne pas avoir peur. Mais il semblait endormi.

Ce soir-là, je dormais déjà. Je n’ai pas entendu maman pleurer et papa essayer de la rassurer. Au matin, mon frère n’avait pas de plâtre. Je suis allé à l’école et on n’en a plus parlé jusqu’aux vacances de noël. Mamie m’a expliqué que maman était à l’hôpital avec mon frère et qu’ils allaient rentrer bientôt. Le temps m’a paru long. Il fallait trouver comment soigner mon frère. Puis, ils sont enfin rentrés.

J’avais quatre ans et demi quand papa et maman m’ont dit que mon frère était malade. (Pourtant, il ne tousse pas et n’a pas de fièvre ?) …C’était dans sa tête, une maladie grave… On va lui donner des médicaments. Il ne faut pas que je m’inquiète. Mais moi, je veux savoir ! Ils parlent d’électricité, de décharges dans sa tête. Comme un robot ? Comme ma voiture téléguidée ? Je ne comprends pas.

A l’école, j’explique à mon copain qu’on a de l’électricité dans la tête et que des fois ça nous rend malade. Mon copain va voir la maîtresse en pleurant et maman est convoquée.

C’est la première fois que j’entends le nom de sa maladie : « épilepsie ».

Mes parents m’expliquent les passages à l’hôpital, les décharges dans son cerveau, les crises, les médicaments… j’ai cinq ans et je comprends ses moments de fatigue, ses colères et son épuisement. Je comprends l’angoisse de mes parents et le fait qu’ils soient toujours derrière lui, en me délaissant parfois. Je comprends surtout le plus important : rien de tout ça n’est de sa faute, ni de la mienne, ni celle de mes parents.

Comme un petit robot cassé.

La première fois que mon frère s’est effondré devant moi, je n’ai pas eu peur. Son bras qui saute un peu, ses yeux grands ouverts comme s’il était effrayé et sa bouche qui essaie de prononcer des mots qui ne viennent pas.

Le temps passe entre séjours à l’hôpital et moments plus calmes. Les médicaments ont très peu d’effets sur lui et il a de plus en plus de crises. Les médicaments le fatiguent ou le rendent méchant et semblent si mauvais qu’il se met à pleurer dès qu’il les voit…

Je suis en colère ! Il n’est pas le petit frère que je voulais. Il passe son temps à me voler mes parents et il ne joue pas avec moi. Quand je lui parle, il ne répond pas. Dans sa tête, il y a toujours des décharges. Il est trop occupé à combattre.

J’aimerai que cette méchante maladie parte ! Qu’elle me rende mes parents ! Qu’elle me rende mon petit frère, celui qui me volait mes jouets et partait en riant.

Alors j’attire l’attention pour qu’on s’occupe de moi aussi. Je suis insupportable à la maison et à l’école. La maîtresse fait venir maman. Entre son petit garçon malade et son grand garçon méchant… Pauvre maman.

J’ai sept ans, l’âge de raison.

Je viens de décider quelque chose d’important ! Je vais me faire remarquer pour de bonnes raisons. Ils ont besoin de moi et je vais les aider.

C’est décidé, quand je serai grand, je serai docteur !

Depuis le premier jour, j’ai vu tellement de crises que je ne peux même pas les compter. Maman dit que j’ai grandi plus vite que les autres enfants. Elle est à la fois triste et fière de moi. Je veux sauver les enfants malades. Ceux qui sont comme mon frère.

Je sais voir une crise arriver, alors je cours pour le rattraper avant qu’il ne tombe et ne se fasse mal. Je lui parle pour le rassurer. Parfois, quand il met trop de temps à revenir, je crie même si je sais que ça ne sert à rien.

L’opération qui va changer nos vies

Un jour, on m’explique qu’on va tenter une opération compliquée mais importante. La plus importante de nos vies. Maman est partie longtemps à l’hôpital. Il sera fragile en rentrant. Je dois prendre soin de lui.

J’ai presque huit ans. On a retiré la partie malade de son cerveau

Il a une cicatrice qui commence tout en haut de sa tête et va jusqu’en bas. Je veux voir, je suis grand maintenant. Avec papa, ils ont décidé de ne plus rien me cacher, jamais.

Dans un bocal, quelque chose de dégoûtant rose avec des lignes rouges.

La partie du cerveau qui gâchait nos vies. Non je n’ai pas peur. Je suis content. Mon petit frère, je le découvre chaque jour depuis cette opération. J’ai dû attendre qu’il ait cinq ans. On joue ensemble, on se bagarre aussi.

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